FERNAND
BALDET
(1885-1964)
par CH. BERTAUD
(Observatoire de Meudon)
La France vient de perdre en la personne de
Fernand Baldet l’un de ses savants les plus éminents. Né le 16 mars 1885, il
s’est éteint à l’âge de 79 ans, le 8 novembre dernier, après une courte
maladie.
Dans sa jeunesse il fut dessinateur créateur en
joaillerie et orfèvrerie, exécutant lui-même ses modèles. Sa maîtrise lui valut
le titre de Premier ouvrier de France (l’équivalent à l’époque d’un prix de
Rome). Il poursuivit ses études et en 1907
il obtint le diplôme d’études du Conservatoire des Arts et Métiers dans
le laboratoire du physicien J. Violle.
Il fit en même temps ses premières études
d’astronomie et
Les observations qu’il entreprit alors à l’observatoire
de
La période qui suivit, jusqu’en 1911, alors qu’il continuait à
travailler avec A. de
D’autre part, il fut l’un des premiers astronomes
à travailler à l’Observatoire du Pic du Midi alors que les conditions de vie y
étaient encore très dures. Au cours de deux campagnes, en 1909 et en 1910, il réussit plus de I
300 images de
Malgré ce programme déjà très chargé, il
poursuivait ses études supérieures à la Faculté des sciences de Paris. Il les
terminait en 1910 avec le grade
de Licencié ès Sciences physiques et, en 1911, il entrait à l’Observatoire de Paris en qualité de stagiaire
et se familiarisait très vite avec les méthodes de l’astronomie de position.
En 1912, il
partait pour l’Observatoire d’Alger où il était nommé assistant, puis
aide-astronome. Durant les dix années de son séjour en Algérie, il partagea son
temps entre la direction du Service Méridien que lui confia F. Gonnessiat, des
observations de géophysique sur le magnétisme terrestre, l’électricité et les
parasites atmosphériques, et des recherches spectroscopiques au laboratoire de
la Faculté des Sciences d’Alger.
Ses observations au grand cercle méridien de
l’Observatoire d’Alger aboutirent à l’exécution d’un Catalogue d’Etoiles
fondamentales. En 10 ans il
effectua plus de 22 000 observations
sur les 23 662 qui ont servi à
obtenir les positions précises de 872 étoiles cataloguées, ceci par des
méthodes strictement fondamentales. Chaque étoile étant, en général, observée
plus de vingt fois, et les circumpolaires, bien davantage, souvent plus de cent
fois. On aura une idée de la valeur de ce catalogue si l’on songe que sa
discussion par le Rechen-Institut de Berlin et l’Astronomical Institute de
Leningrad a conduit ces deux organismes à lui attribuer le poids 10, tandis que
des poids allant de 1 à 4 seulement étaient donnés aux autres catalogues
fondamentaux exécutés à l’étranger, à la même époque.
A l’Observatoire d’Alger il fit également des
observations régulières du Soleil et de
Il avait entrepris, dans cette idée, au
laboratoire de la Faculté, une série de recherches sur les spectres de bandes
donnés par les gaz raréfiés sous l’effet d’un bombardement électronique, en vue
d’identifier précisément les radiations qu’il avait photographiées dans les
comètes.
Au cours de ses recherches spectroscopiques, il
employa des électrons lents et fut amené à construire lui-même dès la fin de 1912 un tube contenant 3 électrodes
une cathode incandescente, une anode, les deux étant séparées par une grille
dont il pouvait faire varier le potentiel à volonté. Malheureusement ces
expériences avec le nouveau tube à 3 électrodes ont été interrompues par la
guerre de 1914 et ce dispositif
qui devait avoir tant d’importance dans l’avenir ne fut pas publié.
Il devait
poursuivre ces expériences à l’Observatoire de Meudon car, en 1922, il quittait l’Algérie pour être
nommé aide-astronome à l’Observatoire de Paris et détaché à Meudon. Il y
prépara sa thèse de Doctorat qu’il soutint en 1926. Elle exposait l’ensemble de
ses recherches sur la constitution des comètes et les spectres du carbone.
Entre autres résultats, il était parvenu à obtenir le spectre des queues de
comètes avec une grande intensité en bombardant de l’oxyde de carbone à basse
pression avec des électrons émis par une cathode incandescente de tungstène. Il
donnait les longueurs d’onde précises de ce spectre qui reproduit très
exactement celui des queues de comètes avec les intensités relatives des
bandes, leur pureté et les diverses particularités qu’elles comportent.
Il découvrit,
au cours de ces expériences, un nouveau spectre de bandes du carbone qui porte
maintenant le nom de «Groupe Baldet-Johnson ». Enfin l’étude
complète de 27 comètes lui permit de dresser la liste des radiations communes,
observées avec certitude, parmi lesquelles figure le fameux groupe à 4050 Å qui devait faire, par la
suite, l’objet de nombreuses recherches pour être finalement identifié avec la
molécule triatomique du carbone.
Tout le reste de sa carrière devait s’écouler à
l’Observatoire de Meudon. En 1928 il fut nommé astronome-adjoint et en 1938
astronome-titulaire. Sous la direction de H. Deslandres, il fit construire la
Table équatoriale avec sa coupole de
Il est malheureusement impossible dans cet article
de citer toutes les observations auxquelles il se livra sur les comètes, les
planètes et les novae, non seulement avec ces instruments, mais aussi avec
Il poursuivit des observations spectroscopiques de
Nova Herculis 1934 et
enfin ses observations photométriques de la tête des principales comètes par la
méthode extrafocale. On lui doit également une Liste générale des comètes de
l’origine à 1960 et un Catalogue
général des orbites de comètes de l’an - 466 à 1952 qui comporte 763 comètes.
L’importance de ses travaux lui valut d’être
choisi par l’Union astronomique Internationale en 1935, comme Président de la
Commission 15 sur l’Etude physique des comètes. Il garda cette présidence
jusqu’en 1952. Membre de nombreuses sociétés scientifiques, il professa aussi à
la Sorbonne de 1928 à 1936, traitant des questions essentielles sur
l’astronomie de position et l’astrophysique.
Depuis ses premières recherches de sensitométrie
dans le laboratoire de A. de la Baume, il portait un vif intérêt à la
photographie et à ses multiples applications. C’est à ce titre qu’il présida
Jusqu’en 1955, il dirigea le Service de Physique
cométaire de l’Observatoire de Meudon. Son activité ne s’arrêta pas au moment
de sa mise à
Membre du Bureau des Longitudes depuis 1946, il
participait aux séances avec assiduité et on lui en confia le secrétariat
pendant plusieurs années. Tous les ans figurait dans l’Annuaire du Bureau des
Longitudes un article important de lui sur les comètes dans lequel étaient
réunies les principales observations effectuées sur chacune d’elles. Tous les
quatre ans, dans le même annuaire, il publiait un article sur les météores. Son
dernier travail comporte précisément une étude étendue sur les météores,
météorites, micrométéorites, etc., qui vient d’être publiée dans l’Annuaire
pour 1965.
Tout au long
de sa carrière d’astronome, en s’acquittant des tâches multiples qu’il devait
accomplir, il n consacré une partie de son activité à la Société qui lui était
particulièrement chère
En terminant
la relation incomplète d’une vie aussi bien remplie, il me reste à exprimer mes
sentiments d’affection et de gratitude pour celui qui fut mon maître et dont
l’affabilité et la grande bonté sont connues de tous ceux qui l’ont approché.